Valentin est motion designer, il fait partie des recommandations de Benoit que j’ai interviewé précédemment. J’ai eu l’occasion de lui commander l’animation d’un logo que j’ai réalisé, le résultat était top. J’aime beaucoup son style d’animation : une grande maîtrise du rythme, un soin apporté aux détails, ainsi qu’une forte sensibilité à l’illustration. On a dû repousser plusieurs fois l’interview et c’est finalement en plein confinement qu’on arrive à caler ça. C’est donc sur whereby qu’on se retrouve.
Bonjour Valentin, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Valentin. Je suis aussi connu sous le nom de Niu (pour Nouvel, mon nom de famille). Je suis directeur artistique et motion designer freelance, depuis maintenant 6 ans.
Quel est ton parcours ?
J’ai toujours aimé la vidéo. Quand j’étais enfant, avec mon frère, on faisait des vidéos inspirées de Star Wars, en se filmant dans le jardin. J’ai mis ça en pause pendant longtemps.
J’ai fait des études d’abord scientifiques, ensuite j’ai fait un BTS en Design Produit à l’école Condé. Ça m’a appris une certaine rigueur et permis de développer la technique du dessin. Malgré ça, je me suis rendu compte que ce n’était pas le domaine de prédilection dans lequel je voulais évoluer plus tard.
J’ai opté ensuite pour un master en Direction Artistique à l’école Bellecour, qui rassemblait des profils très différents. Ça m’a donné le goût du travail en équipe. Grâce à ce master, j’ai découvert en première année l’animation avec comme intervenant Cyril Izarn (aujourd’hui cofondateur de l’agence Nobl). C’est à ce moment précis que j’ai su ce que j’avais envie de faire.
Ensuite j’ai dû apprendre par moi-même, avec des tutoriels en ligne. C’est un des avantages de notre métier, on peut trouver plein de formations en ligne gratuites (les comptes instagram de motion design school, school of motion notamment).
Par la suite, j’ai fait 2 stages dans des agences de motion : le premier dans l’agence Mute (qui n’existe plus aujourd’hui), aux côtés de Julien Andrieux, le second chez Cyril Izarn, qui était freelance à cette époque. J’ai eu la chance de travailler sur de très beaux projets, notamment une projection mapping aux Subsistances.
Comment as-tu commencé comme motion designer ?
Quand je suis sorti de l’école, il n’y avait pas beaucoup de motion designers à Lyon. Ils se connaissaient tous. On parlait de la motion mafia. Grâce à mes stages, j’ai pu côtoyer certains d’entre eux. C’est à ce moment là que j’ai rencontré l’illustratrice Patricia Grivet, avec qui j’ai beaucoup travaillé après mon stage. C’est grâce à ce réseau que j’ai réussi à avoir mes premiers contrats en freelance. Je ne me suis pas trop posé de questions en me mettant auto entrepreneur, je pensais compléter avec une autre activité si besoin.
J’ai eu des propositions de contrat en CDI, mais j’avais déjà pris goût au freelance. J’aime bien pouvoir choisir mes projets, les gens avec qui je travaille, collaborer avec des créas partout dans le monde.
Et maintenant comment travailles-tu ? Qui sont tes clients ?
Quand j’ai commencé, je travaillais de chez moi. Maintenant je suis dans un coworking à deux pas de la maison dans le 7e à Lyon, qui s’appelle Workloft. On est une vingtaine de personnes, la plupart travaillant dans le domaine de l’image (réalisateurs, animateurs 3D, graphistes, développeurs). Ça m’apporte parfois même des nouveaux contrats et me permet de pouvoir échanger sur mes projets.
Aujourd’hui, la plupart de mes clients sont à Paris, ce sont des agences de com ou de pub. Je me rends à Paris régulièrement pour les voir ou pour faire de la prospection : je contacte les agences qui me plaisent et je propose de les rencontrer.
On me contacte également grâce à mon portfolio en ligne (site professionnel, behance, instagram, dribbble). C’est souvent des prospects qui recherchent des talents particuliers soit pour compléter leur équipe, soit pour gérer un projet intégral.
Comment tu gères les moments de creux ?
Quand j’en ai, je suis content ! Ça me permet de mettre à jour mon portfolio car j’ai pas mal de projets en attente de publication. La quarantaine tombe bien… Et puis ça me permet aussi de développer des projets personnels. J’essaie d’en faire quelques uns, d’expérimenter, de développer de nouvelles techniques.
Et les moments de rushs ?
Le plus dur, c’est d’estimer son temps de production. Plus on pratique, plus on sait. Quand on est en bout de chaîne, on ne maîtrise pas tout, il y a des délais à respecter et parfois ça se termine par de grosses journées de travail/nuits blanches. Pour les projets conséquents, je peux faire appel à des renforts, des créas en qui j’ai confiance. On se répartit les tâches et j’assemble le tout. C’est aussi le travail des motions designers de réussir à se calquer sur un style d’animation.
Qu’est-ce qui te plaît dans ton métier, quelle est ta conception du motion design ?
Ce qui me plaît, c’est de donner vie à un univers graphique. C’est génial d’animer l’inanimé. Par exemple pour l’animation de personnage, on se rend compte qu’animer c’est reproduire des choses de la réalité. On s’amuse à regarder le quotidien sous un autre angle, comment bougent les gens, leurs attitudes, le langage du corps etc... En animation, on a souvent tendance à avoir envie de faire de jolies transitions, alors qu’un “cut” c’est souvent plus dynamique et efficace qu’une belle transition fluide. Il faut mettre son ego d’animateur de côté pour servir la narration. Plus le temps passe, plus j’essaie de faire des choses simples, plus stylisées, au “cut”. À côté de ça, j’aime bien me renouveler sur la façon de raconter les messages car on retombe vite dans les mêmes mode de représentations. L’intérêt du motion design, c’est de pouvoir ouvrir sur un univers plus riche.
Comment se passe un projet type ?
C’est le même process que pour un film ou un court métrage.. On fonctionne par phases, et on fait valider chaque étape. À partir du brief, il y a l’écriture du script, en général rédigé par un Concepteur-Rédacteur. Ce document texte décrit et raconte l’histoire : intentions, tons, voix off. Mon travail consiste également à accompagner pour dire l’essentiel, trouver les bons mots.
Une fois le script validé, je fais le story board, qui consiste en une mise en image des différentes étapes du script. Ça doit rester assez sommaire. On y indique les intentions (mouvements de camera, acting…). On utilise le même vocabulaire que dans le cinéma : zoom, cut, traveling, timelapse… En parallèle, je propose un moodboard, qui permet de faire valider le style illustratif et les choix de couleurs.
Après, c’est la phase design. Elle consiste à mettre en image le story board. On fait valider le style global de la vidéo par des illustrations. Quand tout est validé, je travaille sur une animatic, un story board animé intégrant la voix off, cela permet de donner une idée du rythme et de la cohérence d’ensemble. Puis je démarre l’animation sur After Effect en parallèle avec le sound design : soit musique originale et effets sonores, soit musiques libres de droits, en fonction du budget.
Quels sont les projets dont tu es le plus fier ?
J’en ai 2.
Le premier est un projet personnel qui s’intitule “Instants”. Il est né d’un road trip que j’ai fait en Asie pendant 4-5 mois qui m’a beaucoup marqué. Je voulais garder une trace de ce voyage, en faire un voyage artistique. C’est une forme de carnet de voyage animé, contemplatif et poétique. J’ai mis un an et demi à le réaliser, car j’ai passé beaucoup de temps à trouver un univers graphique. Le but était de sortir de ma zone de confort en faisant un gros travail de mix media à partir de photos que j’avais faites ou que j’avais trouvé sur internet. Finalement, ce n’est pas tellement l’animation qui m’a pris le plus de temps.
Je sais que ce projet a beaucoup plu, il a été largement diffusé sur des blogs influents dans le domaine de l’animation, ça m’a fortement encouragé.
Le second projet s’intitule Casus Boloss - un projet web documentaire pour Arte. Cyril Calgaro était DA, il a également fait le générique. J’ai pris la suite en tant que directeur d’animation. Mon travail consistait à illustrer et animer tout l’univers graphique de la série. J’étais en échange direct avec les auteurs, qui m’ont laissé carte blanche sur la conception et l’animation. Kim Jong-Un en Godzilla ou Poutine sur un ours, aucun problème ! L’idée était d’alléger le côté lourd du message.
J’ai découvert l’univers du documentaire et j’ai adoré. Aujourd’hui c’est le type de projet que je recherche. À mon sens, c’est à ça que doit servir l’animation : informer, donner à apprendre.
Comment souhaites-tu évoluer ?
Je suis le type de motion designer qui peut tout faire de A à Z (illustration, animation,…), mais par choix, je préfère collaborer avec différents talents, peu importe d’où ils viennent. Pour moi freelance, ça ne veut pas dire être isolé et travailler dans son coin. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver la personne qui correspond au projet.
Maintenant, j’aimerais aller vers plus de direction de projet, créer mes équipes, m’entourer, pourquoi pas créer un studio. C’est l’esprit de collaboration qui m’intéresse.
Quelqu’un à me conseiller pour une prochaine interview ?
Maïté Franchi, une illustratrice de talent. Elle est super, elle travaille beaucoup pour l’édition. Je n’ai pas encore eu l’occasion de travailler avec elle, mais bientôt j’espère.
Merci Valentin !