Benoit est illustrateur. J’ai eu son contact quand je cherchais un illustrateur pour la start-up de VTC parisienne Marcel. C’est Joffrey de l’agence de web design lyonnaise Fantassin (qui avait bossé sur le site web de Marcel) qui m’a recommandé Benoit, en répondant à une annonce que j’avais laissée sur le groupe Facebook des Designers Lyonnais. On a eu quelques contacts par téléphone et par mail mais il a finalement travaillé en direct avec Marcel. On se rencontre pour la première fois au Slake Coffee à Lyon. J’explique ma démarche à Benoit, c’est sa première interview aussi. Il a pas mal de travail en ce moment, j’apprécie d’autant plus sa disponibilité. Il répond avec simplicité, humilité et beaucoup de sympathie à mes questions.
Quel est ton parcours ?
J’ai toujours dessiné, depuis tout petit. Je copiais les personnages de Dragon Ball ! J’étais très influencé par les mangas et les jeux vidéos. Naturellement, je me suis orienté vers des études supérieures en art. Je suis allé à l’école Eugénie Coton à Montreuil, où je faisais beaucoup de dessin traditionnel. Ensuite j’ai intégré un BTS en multimédia, avant de poursuivre des études en jeux video en contrat pro.
À la sortie de l’école, vers 23 ans, j’avais besoin de gagner ma vie. L’agence dans laquelle je faisais mon contrat pro n’avait pas la possibilité de me garder. J’ai trouvé un poste dans un “cabinet conseil en réduction des coûts” en tant que graphiste à Paris. J’y ai beaucoup appris. On est passé de 2 à 15 au service marketing. À la grande époque je gérais une équipe de 3 personnes. Je touchais à tout (CDRom interactifs, print, sites web, stands, affiches…), j’apprenais sur le tas, ça me plaisait. Au bout de 6 ans, j’avais fait le tour. Je travaillais à côté en freelance sur des projets de pack et d’illustrations, j’avais de plus en plus de demandes mais jamais je n'avais pensé à passer freelance à plein temps. Finalement ça s'est fait assez naturellement. Ma femme m'a beaucoup encouragé et m'a donné confiance, j'ai la chance d'être vraiment bien entouré. Quand nous avons décidé de changer de ville et de vie, il y a 5 ans, c'est là que ça a vraiment commencé.
Comment a démarré ton activité d’illustrateur freelance ?
Un de mes clients historiques s’est installé à Lyon, il connaissait Joffrey Jochum de l’agence Fantassin, qui m’a présenté à plein de monde. J’ai beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux : behance, LinkedIn, dribbble… L’illustration est très relayée sur les réseaux sociaux, c'est une vraie chance. Grâce à mon compte behance, on m’a contacté pour des projets sur Lyon, sur Paris, même à l’étranger. J’ai eu quelques périodes difficiles, avec pas mal de doutes. J’ai hésité à rebosser en agence. Aujourd’hui, à 36 ans, je fais ce qui me plait. J’ai le sentiment d’être à ma place. Avec le recul, je me dis que je me suis lancé un peu tard. Si je devais donner un conseil à ceux qui sortent de l’école et qui hésitent à se mettre en freelance, c’est « essayez, n’ayez pas peur, entourez vous bien »
Sur quoi travailles-tu en moment ? Comment organises-tu tes journées ?
J’ai 3 projets en ce moment. Je bosse sur 2 vidéos courtes. Une avec Valentin Nouvel, un ami motion designer et l'autre pour l’agence lyonnaise Pitches. En parallèle, je bosse sur le livre d’un hypnothérapeute, je fais la mise en page, j’illustre la couverture, les entrées de chapitre, mais aussi des extraits de séances. C’est un projet en auto-édition avec un petit budget, mais c’est un client récurrent avec qui j’ai plaisir à travailler.
Je travaille de chez moi. Le matin, je suis super motivé, j’essaie de me concentrer sur un seul projet. Mes journées sont très structurées, et finissent à 16 heures, heure à laquelle je vais chercher mes enfants. Après je me consacre pleinement à eux. Mais j’ai toujours un moyen de m’organiser si besoin, avec ma femme on fait une vraie équipe.
À côté de ça, j’essaie de nourrir mon réseau, en participant à des apéros comme ceux des Designers Lyonnais, et je poste ce que je fais sur les réseaux sociaux. C’est important de diffuser ce qu’on fait.
Quel est le projet dont tu es le plus fier ?
Sans aucun doute, les illustrations pour le centre Léon Bérard, un centre de lutte contre le cancer à Lyon. J’ai le sentiment de faire une belle chose, d’être utile et d’aider.
Le projet est arrivé par la copine de Joffrey, qui travaille en agence. Elle a proposé des illustrations pour une campagne d’appel aux dons. C’est un sujet sensible, c’est délicat de montrer la maladie, et l’illustration est une bonne alternative dans ce cas particulier. Ils sont ensuite revenus directement vers moi sur un autre projet, axé sur la prévention. J’avais une illustration par mois à faire sur 12 façons de prévenir le cancer. J’ai appris des choses sur place, j’ai rencontré des gens. Et puis j’ai aussi fait évoluer mon style, moins géométrique, plus en douceur. La relation se passe super bien, ils me font une totale confiance, j’ai beaucoup de liberté, en plus ils mettent les moyens et n’ont jamais négocié les tarifs. La campagne a été diffusée dans le métro, dans les abribus, je suis super fier. Ça permet de diffuser mon travail, et les retours sont hyper positifs, j'espère que ce n'est pas fini.
Qu’est-ce qui t’anime dans ton métier ?
J’ai toujours aimé dessiner, c’est ma passion. Ça vient naturellement, je continue même à côté de mon travail. Ça me fait tripper, ça me permet de respirer, de me rafraichir, de faire des choses pour moi. Je ne vois pas ça comme une perte de temps. Ça m’a même déjà apporté des projets, comme cette fois où j’ai posté des illustrations de chats gangsters, une autrice les a vues et a voulu travailler avec moi sur un projet de livre. Et ça va même être adapté en dessin animé !
Et puis ça me permet de rencontrer des gens passionnants, que je n’aurais pas rencontré autrement. C’est hyper important de rencontrer le client, pour discuter, comprendre son métier. J’ai rencontré un avocat, un vigneron qui va bientôt me faire visiter son domaine, un hypnothérapeute qui m’a fait marcher sur des braises au cours d’un stage ! Tu t’enrichis au contact de ces personnes. Et même si dans un premier temps, j’ai tendance à faire des choses qui me plaisent, le résultat c’est le fruit d’une rencontre, les clients me mènent vers d’autres choses, me font sortir de ma zone de confort.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Je suis pas mal de monde dont j'admire le travail sur les réseaux sociaux, il y a des gens qui m'inspirent comme Maïté Franchi, Virginie Morgand, Vincent Mahé etc...
Après je trouve mon inspiration un peu partout : musique, bons films, expos y compris avec mes enfants en famille. Il faut se garder du temps pour sortir un peu la tête du boulot, même si parfois il y a des périodes un peu compliquées. C’est important de prendre soin de soi, prendre du bon temps. On ne peut pas bien bosser sinon.
Et après ?
J’ai du mal à avoir une vision à long terme. Aujourd’hui je fais ce que j’aime, je suis bien, je me sens vraiment à ma place.
Si je devais faire évoluer mon boulot, ce serait vers plus de supervision. Avec l’expérience, on peut avoir des automatismes, avec le risque que son travail devienne obsolète. J’ai envie de rencontrer et travailler avec d’autres illustrateurs. Je commence à avoir envie d’avoir mon équipe autour de moi, de m’entourer d’experts dans leur domaine (motion design, branding…)
Si tu devais me conseiller une personne à interviewer ?
Là tout de suite, la personne qui me vient en premier, c’est Valentin Nouvel, le motion designer avec qui je bosse en ce moment. C’est lui qui m’a contacté, il m’a proposé d’animer mes illustrations sur dribbble, pour se faire des références. On est complètement raccord artistiquement. Il trouve toujours des réponses aux contraintes techniques, Il fait des trucs fabuleux et c'est quelqu'un de vraiment sympathique.
Merci Benoit !
https://www.behance.net/benoitdrigny
https://www.instagram.com/benoitdrigny/?hl=fr